Erich Schmidt (Hrsg.), H. v. Kleists Werke. Im Verein mit Georg
Minde-Pouet und Reinhold Steig, 5 Bde. (Leipzig, Wien: Bibliographisches Institut
[1904/05]), Bd. 5, 476
Ulrike v. Kleist an Henry Jacques Guillaume de Clarke, Berlin,
3. 4. 1807 (Entwurf)
Monsieur,
Je ne viens pas solliciter une faveur auprès de Votre Excellence, mais
je viens demander justice. Je puis donc espérer quElle daignera mécouter et
maccorder ce que je demande; cest lui rendre service à Elle même que de lui
fournir loccasion dexercer des vertus qui lui sont chères.
Je me
contente dexposer simplement les faits, ils parlent assez deux mêmes.
Mon
frère
est arrivé à Berlin vers la fin de Janvier; avec des passeports
visés par les autorités Françoises; autrefois officier dans larmée du Roi, il ne
lest plus depuis huit ans quil a demandé et obtenu son congé; il venoit de
Koenigsberg où il avoit travaillé à la Chambre des Domaines comme volontaire, pour se
former aux affaires de finance; et il comptoit se rendre à Dresde, afin dy cultiver
paisiblement les lettres et les arts quil aime; et auxquels il sest voué;
mais au lieu de pouvoir se rendre à la destination quil avoit choisie, il
sest vu arrêté ici sans raison à lui comme, sans examen préalable, et non
seulement on la emmené comme prisonnier, mais on le traite comme sil
sétoit rendu coupable de quelque délit et privé de la liberté, il languit dans
un cachot au château de Joux.
Ces
faits sont de la plus exacte vérité; je suis prête à les prouver, et à fournir à
Votre Excellence tous les renseignemens quElle demandera; et tous les témoins
quElle voudra entendre.
Je le
répète, je demande justice; Votre Excellence est trop intéressée, Elle même, à ce
que justice se fasse, pour que jajoute dautres considérations à celle qui
est toute puissante sur son ame généreuse.
Si
Votre Excellence consulte la voix publique Elle pourra facilement apprendre, que mon
frère nest pas sans nom et sans réputation dans le monde littéraire en Allemagne,
et quil est digne de quelque intérêt; mais Votre Excellence rendroit justice à
lhomme le plus obscur et le plus ignoré, ainsi cette enquête seroit superflue, et
Elle pardonnera cette réflexion à la tendresse dune soeur affligée qui en perdant
son frère a perdu ce quelle aime le plus au monde.
Veuillez
donc Monsieur, porter la consolation dans mon ame et vous hâter de donner des ordres,
pour que mon frère soit incessamment mis en liberté, et que le mal-entendu dont il a
été la victime soit éclairci.
Jai
lhonneur detre avec la plus haute considération Monsieur De Votre Excellence
la très humble et très obéissante servante.
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